Dans l’épisode précédent :
Amy ouvre le colis et découvre les diamants, le
dernier matériau qui lui manquait pour sa tenue. A ce moment-là, Clara entre
dans sa chambre et lui annonce la présence du Premier Dîner, dîner auquel
toutes les Premières Années sont conviées. Amy se prépare et s’y rend, en
avance de quarante minutes : elle décide alors d’explorer l’Académie et se
retrouve dans les couloirs administratifs. Il est malheureusement pour elle
formellement interdit de s’y rendre et Steve la prend en flagrant délit,
énervé.
Épisode 6
- Amy ? Qu’est-ce que tu fais ici ?
- Je n’en ai aucune idée.
- Tu te fiches de moi ?
- Non, en fait, je voulais découvrir l’Académie.
- Un, nous ne sommes pas dans un village touristique, tu n’as rien à « découvrir », comme tu le dis. Deux, je ne pense pas que quelqu’un t’ait invitée dans les couloirs de l’Administration ; trois, tu le sauras pour la prochaine fois, il est formellement interdit de venir ici sans que tu y sois conviée. C’est compris ?
- Oui, ne t’inquiète pas pour ça. Sinon, tu pourrais me dire ce qu’on a le droit de faire ?
- Le règlement existe.
- Trop long à lire.
- Tu auras un contrôle sur ça.
- C’est une blague ?
- Oui. En dehors des cours, tu peux te promener dans le parc, traîner dans la bibliothèque, rester dans ta chambre ou dans le hall. Tu as même le droit de te rendre à ton prochain cours en avance et tenter d’hypnotiser le professeur pour qu’il te colle une bonne note.
- Wow, c’est super, ça.
- Avant, tu dois aussi savoir ce qui est interdit.
- C’est-à-dire ?
- Il est d’abord interdit d’hypnotiser les professeurs, ni quiconque, d’ailleurs, commença Steve un sourire aux lèvres. Ensuite, tu n’auras qu’à lire le règlement.
- Ouais, on verra bien.
- Tu n’es pas censée me parler comme ça, Amy.
- Désolée monsieur Steve.
- Non, je rigolais. Mais je n’hésiterais pas à flanquer une baffe au premier élève qui me parlerait comme ça.
- Théoriquement, c’est moi la première, donc tu vas me flanquer une baffe ?
- Le premier après toi, je veux dire. Sans te compter, si tu préfères.
- C’est que je suis privilégiée…
- Un peu, oui. D’un côté, tu as été mon apprenti de voyage. C’est comme ça avec tous mes apprentis.
- Apprentie de rien du tout, je n’ai rien appris ! ripostai-je. Enfin bref, je pense que je dois y aller, dis-je en remarquant que plusieurs élèves étaient rassemblées dans le hall.
- Je t’accompagne, offrit Steve.
- Ah non, je sais y aller toute seule.
- Oui, mais tu as été contactée par l’Ombre, donc tu dois être sous protection constante.
- Ce n’est pas possible…grommelai-je. Bon alors, on y va ?
- Je te suis.
Le hall était bondé d’élèves. Plusieurs groupes s’étaient formés, et je reconnus Clara accompagnée évidemment de son inséparable amie. J’allais me diriger vers elles quand Steve me tira pars le bras.
- Reste là, je reviens. Ne bouge surtout pas.
Je n’eus malheureusement pas le temps de lui demander pourquoi, il était déjà à l’autre bout du hall. Bon, j’avais l’air un peu idiote, toute seule, plantée dans le hall. Après quelques (longues) minutes, un groupe d’amis s’approcha de moi :
- Salut, me lança un garçon blond plutôt grand.
- Salut, répondis-je d’un ton détaché.
- T’es en première année ? demanda un autre garçon plutôt petit et rondouillard.
- C’est bête comme question, répliqua le blondinet. Il n’y a que des premières années, ce soir !
- Ouais, mais on ne sait jamais, se défendit le rouquin.
- C’est ça, dis plutôt que tu fais ton intéressant !
- Oh, les gars, vous arrêtez, oui ? intervint un garçon brun aux yeux verts. On n’a pas que ça à faire. Désolé, ils adorent embêter les solitaires. Euh, les gens qui sont tout seuls, je veux dire, se rattrapa le brun. Le blond, c’est Mark, l’autre c’est Victor, elle, c’est Mary, dit-il en désignant une fille qui était restée silencieuse jusque-là. Et moi c’est Logan. On se partagent tous la même chambre avec Victor er Mark, c’est comme ça qu’on est devenus amis. Et Mary, c’est la sœur jumelle de Mark.
- Moi j’ai une chambre à moi toute seule, dis-je avec fierté.
- T’as plutôt de la chance, remarqua Mark. Parce qu’avec Vic comme colocataire, c’est un peu la cata.
- Eh ! s’indigna l’intéressé. Qu’est-ce que j’ai fait de mal ?
- Rien, mais tu as un sens du rangement assez particulier.
- Non, c’est juste que je me retrouve mieux quand mes affaires sont éparpillées.
- Bon bah, à bientôt, dis-je en voyant Steve revenir.
- Tu ne restes pas avec nous ? demanda Logan.
- Non, désolée je dois y aller. A bientôt.
- J’espère qu’on sera dans la même classe, dit Mary en affichant un magnifique sourire, tels ceux des publicités pour dentifrice.
- Je l’espère moi aussi, répondis-je en tentant d’imiter son sourire. Sauf que j’avais l’air d’une vieille qui essaye de replacer son dentier.
Steve me fit signe de venir. Il avait l’air détendu et un peu pressé. Quand je fus à son niveau, il me glissa un papier plié en huit dans la main et murmura :
- Je suis invité à une réunion secrète. En fait, pas si secrète que ça, comme tu le sais maintenant. Bref, je dois te laisser. Pour info, les choses ont changé, tu découvriras dans quelle classe tu es pendant le dîner. A cause de toi, bien sûr.
- A cause de moi ?
- Tu ne sais que faire le perroquet ?
- Très drôle, grommelai-je. Pour quoi à cause de moi ?
- Parce que demain matin, tu vas chez l’Ombre.
- Eh, non, c’est l’après-midi ! Et comment tu sais tout ça, toi ?
- Comme je te disais, les choses ont changé. Tu pars demain matin. Une personne de ta classe t’accompagnera.
- En tant qu’offrande ? demandai-je ironiquement.
- Non, en tant que soutien moral. Allez, on se voit demain soir, si tu ressors vivante de chez l’Ombre…
- Heureusement que tu n’es pas le soutien moral qui m’accompagnera…
- Heureusement pour moi, oui. Je n’ai aucune envie de risquer ma vie pour une gamine qui n’a aucun sens de l’humour.
- C’est trash.
- L’histoire de l’offrande aussi, je te rappelle.
- On est quitte. A bientôt, on se retrouve au septième ciel !
- Pas de problème, vers quelle heure ?
- T’es vraiment malade, toi, dis-je, morte de rire.
- Pas plus que toi, répliqua Steve tout aussi hilare.
J’ouvris ma main gauche qui était restée fermée et commençai la lecture du papier que Steve m’avait donnée.
Amy, le directeur m’a confié que tu devrais aller chez l’Ombre demain. Ça, je te l’ai dit. Mais ce n’est pas tout. Nous savons que l’Ombre t’a envoyée un colis. Tu dois impérativement nous dire ce qu’il contient. Notre méthode permettant de lire à travers les matériaux ne fonctionne pas sur ce colis pourtant si banal. Il est protégé par l’esprit de l’Ombre. Si tu ne veux pas coopérer, c’est ton droit, mais sache que tous les autres colis qui te seront expédiés, peu importe leur destinataire, ne te seront jamais donnés et termineront brûlés ou détruits, d’une manière ou d’une autre.
Amicalement, Steve.
Amicalement, c’est bien drôle, ça. Le message n’est pas si important que ça. Pourquoi je ne coopérerais pas ? Je n’ai rien fait de mal… Je me promis de tenir informé le directeur du contenu du colis dès que je le verrai. Cependant, si Steve me demandait tout ça, il devait bien y avoir quelque chose derrière tout ça. Oui, la phrase comporte trop de répétitions. Le hall commençait peu à peu à se vider. Les élèves se dirigeaient vers la grande salle de réception. Plusieurs tables avaient été installées et recouvertes d’une épaisse nappe blanche brodée de bleu et de doré. Des chandeliers en or avaient été posés sur les tables pour éclairer et des assiettes blanches en porcelaine étaient disposées près d’une série de couverts, parfaitement alignées avec un verre à pied bien élégant. Dans la deuxième partie de la salle, une grande piste avait été dégagée pour permettre aux élèves de discuter debout ou de danser au rythme de la musique. La troisième et dernière partie de la salle était sûrement réservée aux organisateurs de la salle. Plusieurs cartons empilés comportaient l’étiquette « objet fragile ». Peut-être de la vaisselle de rechange. Mais ça m’étonnerait.
Après avoir longuement (et inutilement) réfléchi à la fonction de ces cartons, je m’assis à une table vide, près de l’entrée. Le directeur entra, suivis de toute la farandole de professeurs qui n’avait visiblement pas changé de tenue depuis la rentrée. Ils s’installèrent à une grande table ronde que je n’avais pas remarquée auparavant. A ma grande surprise, personne ne fit le silence ou s’assit, et ce fut comme si le directeur et les professeurs n’étaient pas venus. Mon ventre émit un léger gargouillement et je pris un morceau de pain dans la corbeille. A ce moment-là, tout le monde se tut et s’assit, le regard tourné vers le directeur. Enfin, quand je dis « à ce moment-là », je ne pense pas vraiment que c’est moi qui est déclenché le silence. Le directeur avait dû faire un signe où les élèves s’étaient calmés à une heure précise. Le directeur toussota, monta sur une estrade que je n’avais pas remarquée, encore une fois, et tapota le micro.
- Bonsoir à tous, chers élèves. Vous êtes réunis pour le Premier Dîner. La majorité d’entre vous sait de quoi il s’agit. Nous faisons ce dîner tous les soirs des rentrées des Premières Années depuis plus de soixante ans. C’est une sorte de rituel de bienvenue pour vous. En général, les élèves en profitent pour se faire des nouveaux amis. Je pense que je ne vais pas vous retenir plus longtemps, le repas peut arriver ! cria-t-il en direction d’une double porte que je n’avais (encore !) pas remarquée.
Visiblement, je n’étais pas la seule qui n’avait rien remarqué car un murmure parcourut la salle. Le directeur était content de son petit tour magie car un sourire fier se dessinait sur son visage. Plusieurs femmes vêtues d’une robe blanche en dentelle et de ballerines de la même couleur firent irruption dans la salle, poussant des chariots pleins de nourriture. Les délicieuses effluves commençaient déjà à envahir la salle. Les « cantinières » posèrent les plats sur les tables, arborant toutes un grand sourire chaleureux. Lorsque l’une des cantinières (je les appellerai comme ça maintenant) allait déposer un plat sur ma table quand elle recula, terrifiée. Elle déposa le plat par terre, sur un plateau et repartit d’un pas pressé. Je pris le plat sous les regards incrédules des autres élèves et du directeur. C’est ce moment-là que choisit Steve pour faire son entrée dans la salle. Je dus me mordre la lève pour ne pas éclater de rire. Sourire scintillant, il portait un ridicule costume noir et une chemise blanche. Le plus comique restait quand même son chapeau melon et sa cravate rouge à tulipes jaunes. A mon grand désespoir, il me fit un signe de la main et s’approcha de la table.
- Alors, cette tenue ? me demanda-t-il.
- Spéciale. Surtout la cravate, c’est toi qui l’a faite ?
- Non, c’est le directeur qui me l’a offerte l’an dernier. Je la mets à chaque grand événement pour lui faire plaisir.
- Il te l’a offerte, mais pas pour que tu la mettes, dis-je en jetant un coup d’œil au directeur en question qui pouffait de rire en montrant Steve du doigt.
- Oui, je sais. Ah, en fait non, je ne le savais pas, ça. Je n’ai jamais imaginé une seule seconde dans ma vie que le directeur pouvait avoir un sens de l’humour.
- Change ta cravate, et par pitié, enlève ton chapeau.
- C’est ce que j’allais faire, dit Steve en posant son chapeau sur une chaise libre. Pourquoi ton repas se retrouve par terre ? Tu n’as pas faim ?
- Si, si…la cantinière me l’a déposé ici, elle avait l’ai terrifiée.
- La cantinière ? répéta Steve, amusé. Tu veux dire les Dames de la Volière. Celles habillées en blanc.
- Oui, c’est ça. Mais pourquoi les appelle-t-on les Dames de la Volière ? Il y a un rapport avec les oiseaux ?
- Non et oui, sourit Steve. Autrefois, une légende stipulait qu’il existait un couvent dans lequel les femmes aisées pouvaient s’installer si elles perdaient leur famille, leur mari ou leur fortune. C’était le plus réputé de la région car il renfermait plusieurs espèces d’oiseaux exotiques dans son immense parc. Les femmes qui habitaient au couvent en avait chacune un sous leur responsabilité. Ces femmes se surnommaient les Dames de la Volière On raconte qu’à chaque fois qu’une de ces femmes mourrait, son oiseau quittait le couvent à sa recherche, car il pensait que sa maîtresse était partie.
- C’est une belle histoire. Mais je ne vois pas le rapport avec les femmes qui nous servent le repas, ici. Ce sont leurs fantômes ?
- Non, on les appelle comme ça car elles portent la même tenue que les anciennes Dames de la Volière.
- D’accord. Et tu sais pourquoi elles ont peur des élèves ?
- Elles n’ont pas peur des élèves. Regarde, elles leurs sourient.
- Moi, une de ces Dame de la Volière a posé le repas sur le sol et est repartie, comme si elle avait vu un fantôme.
- Elle a eu peur de ta tête, plaisanta Steve.
- Pas drôle.
Je remarquai que Steve me dévisageait avec incrédulité.
- C’est vrai que tu lui ressembles drôlement, murmura-t-il.
- A qui ? demandai-je en voyant la mine inquiète de Steve.
- Les mêmes traits du visage…continua-t-il.
J’en avais marre. Je ne comprenais rien à ce qui se passait, personne ne voulait rien m’expliquer. Je me sentais très seule. Je n’arrivais plus à contenir ma colère.
- Je ressemble à qui ? hurlai-je, hors de moi.
Un grand silence tomba sur la salle. Steve, livide, recula et essaya de parler.
- Serait-il possible que tu sois… ? Non, c’est impossible.
- Que je sois quoi ?
- La fille…de l’Ombre, déglutit-il.
Kaltoum
C'est toi qui a inventé cette histoire ?
RépondreSupprimerC'est bien cette élève qui écrit ce roman petit à petit.
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