Épisode 8
L'ombre dépasse
la lumière. La phrase n'avait pas vraiment de sens à proprement parler, elle
devait sûrement cacher une deuxième signification ; mais je n'arrivais pas
à mettre le doigt dessus.
C'était cette
même broche que je voyais maintenant épinglée sur la cravate de Steve. En
quelques secondes, j'avais quasiment revécu le jour d'anniversaire de mes neuf
ans. Et Steve continuait à me regarder en souriant, indifférent à la panique
qui se lisait sur mon visage. Comme s'il lisait dans mes pensées, il dit :
- Tu admires ma
cravate, c'est ça ? Elles sont jolies, ces tulipes, non ?
Et comme je ne
répondis pas, il ajouta, l'air malicieux :
- A moins que
tu ne soit paniquée par le fait que j'aurais la plus belle tenue qui n'est
jamais existée pour le Bal des Apprentis. Malheureusement, tu ne seras pas là
pour la contempler, je suis désolé. Je penserais à mettre des fleurs sur ta
tombe, Williams. J'y penserais, répéta-t-il l'air glacial.
Bizarre. Steve
ne m'appelait jamais par mon nom de famille. Et il n'avait jamais cette voix-là
non plus. De toute manière, je sentais bien que quelque chose d'anormal se
passait. Steve n'était pas comme d'habitude et possédait la broche des Silhouettes.
Oui, j'ai bien dit la broche des Silhouettes. Ça m'était revenue quand je
pensais à Dave, le type qui était venu le jour de mes neufs ans. Il m'avait dit
qu'il faisait partie d'un groupe secret pour rigoler (ou m'impressionner, je ne
sais pas) puis avait dit, mot pour mot :
« Mais
non ! Je ne suis qu'une Silhouette et rien d'autre... »
Rien d'autre...Il
avait dit ça comme s'il subissait le fait d'être une Silhouette, comme si cela
ne lui plaisait pas. Après avoir chassé ces sombres pensées, je remarquai avec
stupeur que Steve n'avait ni broche, ni sourire diabolique et qu'il sirotait
tranquillement un cocktail en lisant un morceau de papier.
- Tu n'es pas
fatiguée, Amy ?
- N...non,
pourquoi ?
- Tu es
dépressive de nature ?
- Non...
- Pour penser que
je suis une Silhouette, il faut être un peu fatiguée, non ?
- Comment tu
sais que...
- Tu sais ce
qu'est l'Académie, Amy, non ? Je ne te l'ai pas expliqué pendant le
trajet?me coupa Steve, amusé.
- Oui, c'est
une académie où...
- Très bon
début, m'interrompit Steve. L'Académie est une académie. Mais une académie pas
comme les autres. Ici, tu apprendras à étudier les forces de l'esprit, tu
sauras diffuser des ondes négatives ou positives selon tes envies et tu
apprendras même à lire à travers la pensée des gens. Tout cela est...psychique,
on va dire. Dans une semaine, les cours commenceront et tu comprendras mieux
tout ça. Pour le moment, tâche de ressortir vivante et saine d'esprit de chez
l'Ombre. Ce n'est pas pour te décourager que je te dis ça, mais en général,
lorsque l'on revient vivant d'une petite visite chez l'Ombre, on a tendance à
être un peu dérangé mentalement.
- Et pas qu'un
peu, à ce qu'on dit!ajouta une voix familière derrière moi. Carrément
cinglé ! Les pires cas, les situations les plus désespérées des hôpitaux
psychiatriques et des asiles ne sont rien par rapport à l'état dans lequel nous
ressortons de chez l'Ombre. C'est dû au fait que notre cerveau, même entraîné,
ne puisse pas admettre ce qu'il a vu.
- Tu n'en sais
rien du tout, Victor.
- Je n'en
savait rien jusqu'à ce que Mark me le raconte, monsieur, se défendit le
rouquin, un sourire aux lèvres.
- Je n'en
savais rien jusqu'à ce que mon père me le raconte, se défendit à son tour Mark
en retenant un fou rire.
- Donc ton père
est à l'origine de cette histoire.
- De cette
vérité, corrigea Mark, moins enthousiaste.
- C'est bien
vrai, admit Steve. Asseyez-vous donc à notre table. Je vais vous présenter à
Amy.
- C'est déjà
fait, Steve, dis-je.
- Très bien. Où
sont Mary et Logan ?
- Ici même,
répondit Logan en surgissant derrière Mark qui éclata de rire.
- Je suis là,
répondit une voix claire et douce, celle de Mary.
Décidément,
cette fille avait le plus beau sourire au monde et une voix magnifique, même
quand elle parlait...
- Bien, bien,
bien, déclara Steve en se frottant les mains, comme s'il venait de conclure une
affaire particulièrement intéressante. Et si nous allions sur le canapé,
là-bas?proposa-t-il.
Victor et Mark
échangèrent des regards gênés et Mark lui fit un signe de tête.
- Euh...en
fait, c'est pas qu'on ne vous aime pas, mais on avait l'intention de rester
entre Premières Années, histoire de créer des liens d'amitiés et tout et
tout...commença Victor, mal à l'aise.
- Je vois, je
vois, répondit Steve, songeur. Je ne savais pas comment vous dire que moi aussi
j'avais un petit truc à faire. Il faut que j'aille voir Candyce.
-
Candyce?relevai-je, intéressée.
- Hem, je dois
y aller, glissa Steve avant de partir, rouge comme une pivoine.
- Tiens, tiens,
Steve nous cache quelque chose, susurra Mark avant de pouffer de rire avec
Victor.
- Une histoire
qui m'a l'air bien croustillante, ajouta ce dernier, tout sourire.
- Bon alors,
les garçons, on fait quoi?coupa Logan.
- Ce que tu
veux, chef, dit Mark.
- Et si on
allait vers le bar ?proposa Victor. Apparemment, ils font des supers
milk-shakes...
- Allons-y
alors, déclara Logan.
Le petit groupe
s'installa autour d'une table basse, sous des spots qui diffusaient des
lumières multicolores.
- On va au bar
par équipes de deux, dit Victor. Mary et Amy, vous partirez les
premières ; Victor et moi en deuxième et Logan, tu pars en troisième.
- C'est
ridicule, souffla Mary.
- Allez, on y
va, on n'a pas de temps à perdre, lança Victor en faisant mine de n'avoir rien
entendu. Pour compenser le temps que vous nous faites perdre, vous irez en
petites foulées, aller et retour.
Mary soupira et
se leva en me faisant signe de faire de même. Le bar était de forme circulaire
et proposait au moins un milliard de choses. Une petite femme replète
s'occupait de servir les clients. Elle portait un polo blanc et une jupe
plissée à rayures blanches et rouges, assortie à son tablier rouge aux
multiples poches toutes de tailles différentes. Sur son badge, on pouvait
lire :
« Candyce
Candies, m'appeler uniquement Candyce »
Mary s'approcha
d'une vitrine qui présentait une variété infinie de pâtisseries. Au-dessus, une
étagère entière était dédiée aux confiseries les plus populaires comme les
sucres d'orge, les sucettes, les marshmallows, les pommes d'amour, la réglisse
et j'en passe… Candyce regardait Mary d'un œil amusé et finit par lui
demander :
- Qu'est-ce qui
te ferait plaisir ?
- Un peu de
tout, mais il y a tellement de choses que je ne pourrais pas tout goûter,
répondit tristement Mary.
- Eh bien, tu
n'auras qu'à en emporter dans ta chambre, suggéra Candyce en lui faisant un
clin d’œil.
- On a le
droit ?
- Pas vraiment,
mais puisque Steve m'a donnée la permission de vous laisser prendre tout ce que
vous voudrez.
- Vous connaissez
Steve, demandai-je, naïve.
- Bien sûr,
c'est mon frère, expliqua Candyce en souriant. Sinon, vous avez trouvé ce vous
voudrez, mademoiselle ?
- Oui, je crois
que c'est bon. Je prendrais bien deux verres de Coca.
- Lequel ?
- Je vais
prendre le Coca bleu.
- Très bon
choix. Avec cela ?
- Un verre
d'orangeade et un thé au citron.
- Ce sera tout
pour les boissons ?
- Amy, tu
prends quoi?me demanda Mary.
- Coca cerise,
s'il te plaît.
- Très bien,
fit Candyce en remplissant un cinquième verre. Ensuite ?
- Une
demi-dizaine de choux à la crème, une part de mille-feuilles, une part de
tropézienne, un donut chocolat-pistache, un autre café-spéculoos, un troisième
au bubblegum.
- Eh bien, ça
fait beaucoup dis donc, tu as souvent faim comme ça ?
- Non, non, je
prend aussi pour des amis, répondit Mary en désignant les garçons d'un signe de
tête.
- Ah, je vois.
Et pour toi, Amy, ce sera quoi ?
- Je veux bien
goûter une part de ce gâteau, dis-je en montrant du doigt un gâteau à la crème
qui m'avait l'air particulièrement appétissant.
- C'est ma
toute dernière création, expliqua Candyce, ravie. En fait, c'est un
gâteau-surprise. Il contient des petites billes de biscuits enrobées de
chocolat. C'est le gâteau préféré de Steve et de M. Egnarte. Une grosse part ou
une petite part pour goûter ?
- J'en
prendrais bien une grosse et quatre autres petites pour faire goûter à mes
amis. Je suis sûre qu'il vont adorer, déjà rien qu'en voyant ce gâteau, j'ai
l'impression que je pourrai en manger dix autres comme ça !
- C'est gentil,
merci, ma grande.
- Il n'y a pas
de quoi, et au passage, je ne serai pas contre un paquet de bonbons.
- Je met un peu
de tout ?
- Pourquoi
pas...
- Très bien,
voilà les filles, bonne soirée et n'hésitez pas à venir s'il vous manque
quelque chose.
- Pas de souci,
répondit Mary avec son éternel sourire de publicité dentaire.
Mary s'empara
d'un plateau plein à ras-bord, me laissant celui le moins lourd. Candyce me
glissa un paquet de dragées au caramel dans ma poche en me prévenant :
- Ce sont des
bonbons particuliers, Amy. Un seul suffit à endormir quelqu'un pendant plus de
trois heures. Tu les utiliseras uniquement en cas de nécessité : si je te
les donne, c'est que je sais ce qu'il t'attend demain, chez l'Ombre. Ne t'inquiètes
pas, ils ont une apparence normale et un délicieux goût de caramel et de
nougatine. Bon courage, Amy.
- Je n'y
manquerais pas, Candyce, lui répondis-je tristement.
Mary me tira
par la manche et me désigna d'un geste de la tête Mark, Victor et Logan qui
s'étaient installés ailleurs avec une bande de Première Année que je ne
connaissais pas.
- Très bien,
observa Mary, les lèvres pincées. Allons là-bas, me dit-elle en me montrant un
coin de la salle où était aménagés un divan visiblement très confortable et un
buffet bien garni, loin du groupe.
Mary s'assit
sur le divan et empoigna un paquet de dragées. Elle regarda notre ancienne
place d'un air abattu et rageur puis regarda avec mépris le groupe dans lequel
Mark et ses amis s'était ajoutés. Elle se tourna enfin vers moi et
m'expliqua :
- Tu sais, je
connais Mark depuis seulement quatre ans, bien que ce soit mon frère. Mais en
seulement quatre ans, nous avons eu tout le temps nécessaire pour nous conduire
comme des vrais frère et sœur qui se connaissent depuis leur naissance. Nous
avons créé des liens que rien ne peut briser. Parfois, j'arrive à savoir ce
qu'il pense et je peux deviner son humeur. Cela fonctionne aussi dans le sens
inverse. Et c'est là qu'on a appris qu'on était télépathes. Et c'est aussi là
que nous avons été invités à cette soi-disant fête de jeunes. Et que nous
sommes tombés sur Logan et Victor. À partir de ce moment-là, Mark s'est
beaucoup intéressé à ses nouveaux amis et j'ai eu l'impression qu'il
m'avait...oubliée. J'étais si triste… Et Mark ne s'en apercevait même pas !
Alors peu à peu, j'ai commencé à éprouver de l'antipathie envers Logan et
Victor, car ils m'avaient en quelque sorte volé mon frère. Je devenais distante
mais ça aussi, Mark ne le remarquait pas. C'est vrai qu'on se fiche pas mal de
sa sœur, le plus important, c'est de faire mumuse avec ses copains…
Voyant que Mary
avait les larmes aux yeux, je fis la chose la plus idiote en lui tendant une
part du gâteau-surprise de Candyce. Elle sourit faiblement et enfonça sa
fourchette dedans, retrouvant un peu sa gaieté.
- Merci, Amy,
heureusement que tu es là, toi. Je ne peux pas compter sur ces trois-là,
ajouta-elle en désignant son frère et ses amis avec dédain. Tiens, ils
reviennent, ricana-t-elle.
- Alors les
filles, ça gaze?lança Victor avant d'éclater de rire.
- Pas mal,
ouais, répliqua Mary en ouvrant un énième paquet de dragées.
- Bon alors,
qu'y-a-t-il de bon à manger?demanda Mark en regardant avec appétit les
pâtisseries, les boissons et les confiseries étalés sur la table.
- Je ne sais
pas, va voir Candyce, répondit Mary.
-
Candyce ?
- La dame qui
s'occupe du stand bar-confiserie.
- C'est donc
elle...sourit Logan. Oh, tu as pris nos boissons !
- Euh, non, ce
sont les nôtres. Les vôtres, vous devez aller les chercher.
- Mary je crois
que tu exagères un peu, lui murmurai-je à l'oreille.
- Non, Amy, ils
n'ont que ce qu'ils méritent, répliqua-t-elle sèchement.
- Comme tu
veux, sœurette.
Les garçons
s'éloignèrent vers le bar-confiserie de Candyce et commandèrent un million de
choses. Ils revinrent et posèrent tout sur la table. Victor saisit un paquet de
nounours au chocolat et piocha dedans une bonne poignée qu'il engloutit d'un
coup. La bouche encore pleine, il déclara :
- Ch'est chuper
bon, cha !
- Ne parles pas
la bouche pleine, c'est malpoli, dit sèchement Mary en lui jetant un regard
noir.
- Ch'cuse moi,
choeurette !
Logan rit
tellement qu'il recracha son coca sur la table.
- Désolée, je
vais tout nettoyer, dit-il encore hilare.
- J'espère
bien, fit Mary.
- Oh, c'est
bon, détends-toi!s'énerva Logan. Qu'est-ce qui t'arrive ?
- Rien, se mit
à sangloter Mary.
Mark leva les
yeux au ciel et prit une poignée de M&M's verts dans un sachet en papier.
Il se servit ensuite d'une part de gâteau-surprise à la Candyce et le coupa en
deux, faisant rouler les petites billes de chocolat et laissant un coulis de
caramel onduler entre les décorations de pâte à sucre. Victor piqua avec sa
fourchette dans un carré de gâteau et l'avala goulûment. Il se lécha les
babines avant de se resservir une énorme part qu'il termina presque aussi vite
que la première. Mark fit de même avec tous les paquets de dragées qu'il trouva
sur la table pendant que Victor finissait tout le coca bleu qu'il avait ramené.
- Comment
faites-vous pour tout manger?ne put s'empêcher de demander Mary, dégoûtée.
- Candyce nous
a refilé un petit bonbon magique qui fait que notre estomac ne se remplit pas
pendant les trois heures qui suivent, expliqua Victor en sortant des bonbons
gélifiés de sa poche. Tiens, voilà, c'est ça. Ils ont tous un goût différent,
le mien a eu un goût de bubblegum, celui de Mark était à la cerise et celui de
Logan à la menthe. Le plus rare, c'est celui à la fraise tagada, apparemment,
en plus d'être délicieux et de laisser notre ventre vide pendant trois heures,
il nous offre la meilleure vision au monde ! On peut voir dans le noir, à
travers un maximum de trois mètres d'épaisseur et notre vision s'étend jusqu'à
un kilomètre ! T'imagines, si on tombe sur ce bonbec, on devient les rois
du monde !
- Parce que
l'effet ne s'estompe jamais?demandai-je.
- Non, tant que
tu ne manges pas un marshmallow.
- C'est une
blague ?
- Non, tu n'as
qu'à aller demander à Candyce. Elle nous a dit que c'était même très utile pour
les requêtes. On peut affamer quelqu'un pendant trois heures, c'est quand même
quelque chose !
- C'est
dangereux, dis-je.
- Pas plus que
tes dragées endormeuses.
- Comment es-tu
au courant pour...
- C'est Candyce
qui nous l'a dit. On est un groupe et on doit tout savoir sur les armes de nos
partenaires. Au cas où.
- Je ne veux
pas de ce groupe, décréta Mary, boudeuse.
- Tu ne seras
pas dans leur groupe, intervint Logan. Tu seras avec moi.
- Ah oui, et
pourquoi ?
- Parce que
c'est comme ça, je n'ai pas choisi. Et puis, tu n'es pas dans la même classe
qu'Amy.
- Ce qui fait
que ?
- Que tu ne
peux pas être dans son groupe.
- Pourtant,
Victor et Mark sont dans le sien alors qu'ils ne sont pas dans la même classe.
- C'est parce
que, euh, les professeurs ont choisi que ce serait comme ça.
Mary haussa un
sourcil et me regarda.
- Tu y crois, à
tout ça ?
- Je ne sais
pas. On verra bien demain.
- Tu es chez
l'Ombre, demain, me rappela Mary.
- Et je compte
en revenir, répliquai-je.
- Et moi, je
compte t'accompagner, décida Victor.
Logan et Mark
échangèrent un regard amusé.
- Et pourquoi
ça?demanda Mark plein de malice.
- Parce que
j'ai toujours voulu voir où habitait l'Ombre, se défendit Victor, écarlate.
- Ah, ouais,
franchement?rajouta Logan en se retenant de rire. T'es bien le seul au monde
qui rêve de voir l'Ombre.
- C'est parce
que je veux prouver que je peux m'en sortir sans vous. Vous croyez toujours que
c'est grâce à vous que je réussis ce que je fais, et c'est faux.
- C'est bien la
première fois que tu nous dit ça, Vic. Il n'y a pas une seconde raison pour
laquelle tu voudrais accompagner Amy?demanda Logan en appuyant bien sur
le mot « accompagner ».
- Eh, les gars,
arrêtez de l'embêter, s'interposa Mary. Il fait ce qu'il veut, après tout.
Tiens, tiens, Steve arrive...
En effet, Steve
arrivait, l'air triomphant. Il avait échangé son costard-cravate contre un jean
simple et un pull portant l'écusson de l'Académie.
- Alors, les
jeunes, ça roule ?
- Pas mal,
ouais, dit Mark.
- Amy, tu as
choisi ton coéquipier?demanda Steve, impatient. Ou ta coéquipière, ajouta-t-il
en remarquant l'existence de Mary.
- Oui. Je vais
prendre Victor.
Mark et Logan
gloussèrent sous le regard austère de Mary.
- Un problème,
sœurette ?demanda Mark.
- Pas le
moindre du monde.
- Très bien,
Amy, dit Steve. Tu viendras me voir à la fin du Dîner avec Victor. Je dois vous
expliquer quelque chose et vous donner ce dont vous aurez besoin. Quant à moi,
eh bien, je vais prendre un de ces donuts. Et ce verre d'orangeade, si cela ne
vous dérange pas. Et pour le dessert, rien de mieux que ces petits bonbons
gélifiés, non ?
-
Non !s'exclama Victor.
- Pourquoi
donc ? Tu n'es pas radin à ce point, quand même ?
- Non, bien sûr
que non, c'est juste que...
- Ces bonbons
ont des effets secondaires, termina Steve. Merci, je ne suis pas idiot à ce
point, je connais très bien ce genre de friandises.
- Et vous
voulez en manger ?demanda Victor.
- Non, je
compte en faire une guirlande pour Noël, répliqua Steve, agacé. Amy, tu es sûre
de ton choix pour demain?me demanda-t-il.
- Absolument,
confirmai-je en voyant que Victor s'empourprait.
- A toi de voir.
Bon, c'est pas tout mais j'ai encore un peu faim, alors je vais y aller. Juste
un conseil : ne mangez pas les réglisses vertes de ma sœur, c'est une vrai
catastrophe culinaire.
- Merci pour le
conseil, Steve!dit Logan.
- Comment
m'as-tu appelé ?
- Euh...Steve.
- Monsieur,
tu dois m'appeler monsieur, pas Steve, entendu ?
- Très bien. Au
revoir, monsieur.
- A très bientôt !
Lorsque Steve
s'éloigna, Mary se tourna vers son frère et le regarda droit dans les yeux.
- Écoute-moi
bien, Mark.
- Je t'écoute,
Mary.
Voyant que Mary
voulait parler privativement avec son frère, Logan, Victor et moi nous levâmes
en assurant de revenir. Logan aperçu un garçon avec une glace à la chantilly et
se précipita vers lui.
- Eh, mec, elle
est à quoi ta glace ?
- Crème cookie,
caramel, chocolat au lait surmontée de chantilly. Le cornet a un goût de
cookie, aussi.
- C'est Candyce
qui te l'a faite ?
- Non, c'est la
dame qui s'occupe du bar-confiserie.
- Donc c'est
Candyce.
- Non, non, je
t'assure que c'est la dame du bar-confiserie.
- Oui, bien
sûr, marmonna Logan en tournant les talons.
Victor
m'entraîna à sa poursuite. Logan était en pleine négociation avec Candyce qui
avait l'air très embêtée.
- Écoute, jeune
homme, ce n'est pas à toi de faire la loi, ici.
- Je sais, je
veux juste que vous m'emballiez ma glace dans le papier argenté.
- Si on te
surprend avec, tu diras que tu l'a trouvé par terre, d'accord ?
- Ça marche,
dit Logan.
La sœur de
Steve parut soulagée et lui tendit sa glace dans un joli papier argenté.
- Voilà pour
toi.
- Merci
Candyce !
- Et vous les
enfants, vous voulez quelque chose?demanda Candyce en nous regardant.
- Je vais
prendre un smoothie au cookie, dis-je en regardant la liste infinie des saveurs
possibles.
- Très bien
Amy, et toi mon garçon, tu veux quoi ?
- Je prendrais
la même chose.
-
Victor-le-copieur!lança Logan.
- Arrête, le
coupa-t-il. Je peux toujours parler de Mary, Logan.
- Je voulais
dire : Victor-aime-les-cookies !rectifia Logan, visiblement emplit
d'un élan de panique.
Victor leva les
yeux au ciel, satisfait.
- On va où, les
gars ?demanda Logan.
- On peut aller
rejoindre Mark, proposa Victor. Il a terminé de parlé avec Mary.
- Mais
alors...où est Mary?m'inquiétai-je.
- Demandons à
Mark, proposa Logan, tout aussi inquiet.
Mark nous
rejoignit, l'air morose. Il saisit un paquet de Dragibus et l'ouvrit.
- Qu'est-ce
qu'il se passe?demanda Logan.
- Mary a
commencé à délirer et au final elle a piqué une crise et est montée en haut.
- A quel
sujet?demanda Logan.
- Elle dit que
je suis distant, que je ne fais pas attention à elle et que je ne lui parle pas
souvent.
- Elle m'en a
parlé, déclarai-je. Elle vraiment triste, Mark, tu ne devrais pas te montrer
aussi rude avec elle. À ses yeux, tu comptes énormément pour elle, elle ne veut
pas te perdre une deuxième fois, tu comprends ?
- Je sais, mais
au point de dire que je l'ignore !
- C'est ce
qu'elle ressent, tu ne peux rien y changer, sauf en te montrant plus
attentionné.
- Logan,
Victor, venez, on y va, me coupa Mark.
- Comment ça
« Logan, Victor ». Et moi ?
- T'es du côté
de ma sœur, de madame Je-me-plaint-de-tout-et-de-rien.
- Arrête Mark,
lançai-je sèchement. Ça ne sert à rien de monter sur tes grands chevaux, tu
devrais réfléchir à ce que t'a dit ta sœur. Peut-être qu'elle ne compte pas
beaucoup pour toi parce que tu as eu une deuxième famille depuis ta naissance,
mais elle, elle est passée de famille d'accueil en famille d'accueil. Elle a
été seule toute sa vie, alors pour une fois qu'elle retrouve quelqu'un de sa
vraie famille, elle a le droit d'être heureuse. Tu es égoïste, Mark. Je te rappelle que c'est ta
sœur. Ta vraie sœur. Elle n'a pas eu la chance que tu as, de rester avec
vos parents et de mener une vie normale. Elle a toujours changé de famille, sa
vie n'était pas « stable ». Alors maintenant, pense-y un peu avant de
l'envoyer balader.
Mark me
regardait désormais comme s'il allait m'étrangler sur-le-champs. Logan et
Victor avait soudain trouvé un vif intérêt pour leurs chaussures.
- Je ne sais
pas pourquoi tu te mêles de ce qui ne te regarde pas, Amy. Tu crois peut-être
changer le monde avec ta manière de penser ? Tu te crois peut-être
privilégiée parce que tu vas voir l'Ombre demain ? C'est ça,
hein ?hurla-t-il en écumant de rage.
- Je te laisse
réfléchir, Mark, répliquai-je, tout aussi énervée. À demain.
- A jamais, tu
veux dire. Tu crois aussi t'en sortir vivante, c'est ça ?
- Oui c'est ça.
Et ce ne sera pas grâce à toi, Mark.
Je partis vers
la sortie, presque en courant, quand quelqu'un m'attrapa par le bras. C'était
Victor.
- Amy,
haleta-t-il. On doit aller voir Steve, après, poursuivit-il, essoufflé.
- Je sais. J'y
allais justement.
- Et tu
comptais y aller sans moi?demanda-t-il tristement.
- Mais non,
Victor, j'allais venir te chercher, mais comme tu es déjà là, eh bien,
allons-y.
- En avant
toute!cria Victor dans le couloir désert.
- Chut, évite
de crier, lui conseillai-je.
- A vos ordres,
chef.
Je ne pus
m'empêcher de sourire. Nous arrivâmes enfin dans le couloir de
l'administration. Une porte s'ouvrit et le Directeur en sortit, l'air réjoui.
- Je viens de
conclure une affaire très importante, nous dit-il.
- Vous m'en
voyez bien satisfaite, répondis-je.
- Ah, mais au
fait, vous n'êtes que des élèves!s'exclama-t-il en recouvrant ses esprits. Que
faites-vous ici ?
- On doit aller
voir Steve, expliqua Victor.
- Je vous
accompagne. Amy, tu es assez confiante, pour demain ?
- Oui, je vous
assure.
- Je n'aurais
jamais accepté que l'un de mes élèves se rende là-bas, mais vois-tu l'Ombre est
quelqu'un de très malin. Il sait convaincre les gens. Bref, Steve va vous
apprendre les bases de la maîtrise de l'esprit.
Le Directeur
arriva devant une porte en bois grossièrement peinte où était écrit à la bombe,
laissant les lettres dégouliner : « NE PAS ENTRER ».
- Ah, oui,
Steve a fait ça il y a deux ans et il le regrette amèrement, sourit le
Directeur.
- Pourquoi il
ne change pas la porte ?
- Il ne peut
pas la déplacer.
- Et s'il la
repeignait ?
- Il ne peut
pas la repeindre, autrement la peinture qui recouvrait celle-là s'écaillerait
et tomberait immédiatement. Maintenant, tiens-moi la main, Amy, et Victor tiens
celle d'Amy de telle sorte à faire une chaîne.
-
Pourquoi?demandai-je.
- Parce que
vous n'êtes pas autorisés à entrer ici et que la porte est protégée. En l'occurrence, moi, je suis autorisé et si
vous me donnez la main, ce sera comme si une seule personne entrait.
- Très bien,
dis-je.
Je tendis ma
main vers le Directeur qui la saisit avec vigueur puis je me tournis vers
Victor et lui tendis ma main. Il la saisit doucement et sourit discrètement.
- Tout est
bon?demanda le Directeur.
- Oui.
- Entrons,
alors !
La pièce dans
laquelle nous entrâmes était spacieuse et, étonnamment, n'avait rien à voir
avec la porte. Elle était arrangée dans le style victorien et une légère odeur
de citron flottait dans l'air. Un carillon diffusait une mélodie angélique, ce
qui détendait un peu. Le Directeur me lâcha la main et se l'essuya dans un
mouchoir avant de me sourire gentiment et de m'expliquer :
- Tu as reçu un
colis de l'Ombre.
Un bruit de
verre cassé brisa le silence et Victor me serra la main un peu plus fort pour
se rassurer.
« Quelle
chochotte »pensai-je.
Steve apparut
et nous sourit :
- Alors, mon
chez-moi c'est comment ?
- Le
papier-peint commence à déteindre, la moquette est un peu élimée et l'ampoule
est sur le point de rendre l'âme, décréta le Directeur. Je te l'ai déjà dit,
Steve, il faut que tu rénoves cet appartement. Je te l'ai dit au moins trente
milliards de fois.
- Au moins.
Vous êtes trop modeste, monsieur. Vous me l'avez dit au moins huit cent
milliards de fois !
- Vous êtes
incorrigible, Steve. Allez, faites ce que vous avez à faire avec ces
deux-là, je dois y aller.
- A votre
place, j'aurais dit : je dois vaquer à mes occupations.
- Très bien,
Steve, je dois vaquer à mes occupations, céda le Directeur avant de partir.
- Alors les
enfants, on commence tout de suite. Installez-vous sur ces fauteuils. Prenez
chacun un crayon à papier et un calepin. C'est fait ? Voilà, c'est bien.
Notez la date d'aujourd'hui, c'est très important.
- Pourquoi
est-ce important?demanda Victor.
- Il faut toujours
noter la date. Vous devez datez tout ce que vous faites, cela peut vous
sauver la vie, comme ça a sauvé la vie à mon arrière-grand-père. Il écrivait tout ce qu'il apprenait et
n'oubliait pas de mettre la date. Son journal est maintenant publié en dix
exemplaires, tous éparpillés dans chaque Académie.
- Il existe
plusieurs Académies?s'exclama Victor.
- Oui, sinon je
n'aurais pas dit « dans chaque Académie ». Réfléchis un peu, la
prochaine fois, répondit Steve, irrité.
« Là c'est
sûr : Steve n'apprécie pas du tout Victor »pensai-je en remarquant le
regard agacé que Steve ne cessait de jeter à Victor.
- Je disais
donc avant que cet impertinent individu ne m’interrompe, qu'il était très
important de noter la date dès que vous prenez des notes. Cela peut servir de
témoignage. Bref, revenons-en à notre objectif principal qui est l'étude de la
maîtrise de l'esprit. Un petit mot avant de commencer, on est pas dans un film,
donc oubliez tout de suite les objets volants à une vitesse folle, les
claquements de doigts qui font apparaître ce que vous voulez, le fait de
devenir invisible par sa simple volonté et tout le reste. Par contre, vous
pourrez bloquer votre esprit, c'est-à-dire que les autres n'auront pas accès
vos pensées et vos souvenirs. D'ailleurs, c'est votre première leçon et il
serait grand temps de commencer ! Prenez votre stylo et notez, juste
en-dessous de la date « Première leçon ». N'oubliez pas de souligner
ce titre et d'écrire en majuscules. C'est fait ? Bien. Passons à
l'expérience. Allez, donnez-vous la main.
Steve jeta un
regard malicieux à nos mais déjà enlacées.
- Oh, je vois
que vous l'avez déjà fait, dit-il d'une voix pleine de sous-entendu. Bien. Très
bien, même. J'aime bien quand les élèves savent anticiper les choses, c'est une
preuve de bonne volonté pour travailler.
Voyant que
j'avais pris une légère teinte rougeâtre, Steve en profita :
- Amy, je vois
que tu rougis. Trop de compliments, c'est cela ?
- Steve,
grommelai-je.
- En personne,
que puis-je faire pour toi ?
- Steve,
commença Victor. Euh, monsieur Steve, rectifia-t-il. Et si on commençait la
leçon ? Il faudrait que je sache maîtriser mon esprit si l'Ombre m'attends
demain.
- Et si tu veux
sauver une jeune demoiselle en détresse, poursuivit Steve. Oh, toi aussi tu
adoptes la mode du rose-aux-joues, à ce que je vois...
- Bon, arrêtes
d'embêter ces petits, Titi, le Directeur t'as demandé de leur apprendre la
maîtrise des esprits, pas de les embêter et de les embarrasser, fit une voix
derrière nous.
-
Titi?!s'exclama Victor en me jetant un regard amusé.
- C'est le
surnom que Candyce me donne depuis que je suis né. Je lui ai demandé un bon
millier de fois d'arrêter, mais elle s'obstine à me coller ce surnom.
- Tu
n'oublierais pas une petite partie de l'histoire, Steve ?demanda Candyce.
- Non...
- Hum...ça vous
dit de connaître la vraie histoire ? Ce n'est pas pour rien que je
le surnomme « Titi ».
- Candyce,
Candyce, tu viens de le dire il y a moins cinq minutes : laissons ces enfants
travailler!dit Steve en lui jetant un regard suppliant. Et puis, le Directeur
m'a demandé de terminer toute cette histoire ce soir et non pas demain.
- Oh, c'est toi
qui nous accompagne?demandai-je, feignant d'être déçue.
- Oui, à mon
plus grand malheur…
- Au mien
aussi, ajoutai-je.
- Bon, allez,
revenons-en au sujet principal, décréta Steve en reprenant un air sérieux.
Candyce arriva
à ce moment-là avec un plateau bien garnie et annonça qu'elle allait retourner
à ses appartements. Steve nous appris à se concentrer sur une seule chose, sans
rien penser, ce qui s'avéra très compliqué puisque j'étais toujours distraite
par un rien. Ensuite, il nous expliqua pendant un bon bout de temps qu'il était
très important de « vider son esprit » afin de pouvoir accéder à un
état de quasi-clairvoyance. Après deux longues heures de cours, nous fûmes
enfin autorisés à regagner notre chambre respective. Avant de se séparer,
Victor m'annonça avec joie qu'il avait prévu une petite surprise pour Mark.
- Quel genre de
surprise?demandai-je.
- Une petite
blague assez amusante, rien de très méchant.
- Avec ce qui
s'est passé ce soir, tu devrais éviter, il doit être sur les nerfs.
- Mais non, ne
t'inquiètes pas.
- A ta place,
j'éviterais de faire quoi que ce soit qui puisse le mettre en rogne.
- Sauf que tu
n'es pas à ma place, répliqua Victor.
- Et j'en suis
encore heureuse, conclu-je avant de regagner l'aile des filles.
Le couloir
était particulièrement silencieux. Soit tout le monde dormait – ce qui semblait
improbable vu que le dîner venait de se terminer il y a seulement quinze
minutes – ou soit l'Académie possédait
des portes et des murs vraiment très isolants.
La porte de ma
chambre était la seule qui paraissait vraiment ancienne. Toutes les portes étaient
en excellent état, les poignées étaient parfaitement vernies et le bois des
portes était merveilleusement poli ; contrairement à ma poignée décolorée
et ma porte ébréchée. Heureusement que pour compenser, j'avais ma chambre à moi
toute seule. Toutes les portes étaient fermées, sauf celle de Clara. Peut-être
qu'elle ne serait pas contre un petit instant papotage-chamallow. Cependant,
mes souvenirs de conversation avec elle n'étaient pas vraiment bons, ce qui
signifiait entre autre que je pouvais abandonner l'idée d'un quelconque instant
papotage-chamallow. Clara sortit justement de sa chambre, les mains sur les
hanches.
- Tiens, tiens,
qui voilà ? Mais c'est Amy !
- Non, c'est la
reine d'Angleterre.
- Bonsoir, Sa
Majesté, ironisa Clara.
- Qu'est-ce que
tu me veux?demandai-je avec méfiance.
- Viens, entre
on en a peut-être pour longtemps, me dit-elle en ouvrant grand sa porte.
J'entrai,
m'attendant à une blague, une caméra cachée ou je ne sais quoi d'autre qui
pourrait bien venir de la part de Clara. Trois fauteuils confortables avaient
été installés autour d'une table basse bien garnie. Melissa, la colocataire de
Clara se tenait devant la porte de leur salle de bain privative, les bras
croisés. Elle me regardait d'un réprobateur en secouant la tête. Clara s'assit
et m'invita à faire de même. Elle croisa ses jambes et se servit une tasse de
thé aux fruits rouges et trempa dedans un biscuit sec.
- Amy, demain
tu pars chez l'Ombre.
- On me l'a
fait remarquer au moins cent fois, donc je pense que je m'en souviens,
répliquai-je, agacée.
Clara ne
répondit pas et poursuivit :
- Ma tante est
chez l'Ombre. Elle a été faite prisonnière lors du Grand Chaos.
- Le Grand
Chaos?répétai-je, sans savoir de quoi elle parlait.
Clara me fit
signe de me taire.
- Elle a une
chance énorme de s'en être tirée vivante. Grâce à une Silhouette. Elle l'a
prise en charge et lui a tout appris sur la maîtrise des esprits, et cetera. En
revanche, la Silhouette lui a fait prêter serment de ne jamais la quitter et ma
tante a accepté ; ce qui fait que sa vie est réduite à être la servante
d'une Silhouette trop possessive.
- Juste une
petite question, glissai-je. Comment tu sais tout ça si ta tante n'a jamais
quitté la Silhouette ?
Melissa poussa
un long soupir et leva les yeux au ciel.
- Les lettres.
Ma tante nous écrivait chaque mois.
- Elle ne vous
écrit plus ?
- Elle pouvait
nous écrire mais nous, nous ne pouvions pas lui répondre, continua Clara en me
regardant avec dédain. Au bout d'un moment, elle nous écrivit de plus en plus,
deux fois par mois, puis toutes les semaines et même tous les jours. Ses
lettres expliquaient que l'Ombre prévoyait le grand événement de
l'année. Mais bon, ça tu n'as pas à le savoir. Ce que je veux te dire c'est que
nous n'avions jamais pu lui transmettre quelque chose d'important puisque aucun
de nous n'était assez fou pour se rendre chez une Silhouette. Mais toi, tu va y
aller. Donc tu seras en mesure de donner un paquet à ma tante.
- Quel genre de
paquet ?
- Cela ne te
regardes pas, répliqua Clara.
- Si, puisque
je suis chargée de le transmettre.
- Tu es
vraiment agaçante, dit Melissa sans même lever la tête, trop occupée à refaire
son vernis.
- Tu n'en
sauras rien, interrompit sèchement Clara. Tu acceptes ou pas de transmettre le
paquet, c'est à toi de voir, dit-elle, une lueur mauvaise dans les yeux.
- Eh bien, si
cela peut rendre service à ta famille...
- Très bien.
Melissa, l'aiguille et les papiers. Ma famille a préparé des feuilles que du
dois signer au sang, c'est comme ça que l'on fait un pacte officiel, chez nous.
Tu n'as pas le temps de tout lire, donc signe juste.
Melissa me pris
la main et enfonça l'aiguille dans mon index, laissant échapper un petit flot
de sang. Mon visage se crispa, puis la douleur cessa.
- Laisse ton
empreinte dans chaque case rouge. Fais-vite, sinon le sang va sécher. Voilà,
très bien. Maintenant si tu ne transmet pas le paquet, tu peux t'attendre à des
choses que tu ne peux même pas imaginer. Allez, retourne à ta chambre,
m'ordonna Clara qui avait perdu sa douce voix. Tiens, c'est ce que tu dois
donner à ma tante, me dit-elle en me jetant un minuscule paquet de forme
cylindrique. Et ne m'adresse plus jamais la parole, ajouta-t-elle en me
poussant hors de sa chambre.
J'étais
quasiment sûre de m'être fait berner. J'avais mit mon sang sur plusieurs
papiers, dont un qui avait retenu mon attention. Je n'avais pas pu le lire
entièrement car Clara me laissait tout juste le temps de laisser mon empreinte dessus mais j'avais pu distinguer une phrase :
« Amy
Lauren Williams Connor, fille de Monsieur Scott James Connor et Madame Katherin
McMillan ».
Étrange. Mes
parents ne s'appelaient ni Scott ni Katherin. Et je n'étais pas au courant que
mon deuxième prénom était « Lauren » ni que mon nom de famille était
aussi « Connor ». Et puis, encore plus étrange, comment la famille de
Clara aurait pu savoir à l'avance que j'allais me rendre chez l'Ombre ? Et
comment me connaissaient-ils tout simplement ? Je notai dans un coin de ma
tête qu'il me faudrait poser toutes ces questions à Melissa, puisque Clara ne
semblait plus disposer à me parler.
Alors que je
vidais mes poches des milliers de friandises que Candyce m'avait donnése, un
bruit de verre cassé provenant de la salle de bains résonna dans la chambre. Je
décidai de m'y rendre, armée d'un sucre d'orge géant, sachant pertinemment
qu'il n'allait m'être d'aucune utilité. Avant même d'avoir fait un geste, la
porte s'ouvrit à la volée, laissant échapper un nuage de fumée noire. Au
milieu, une femme lévitait à quelques centimètres au-dessus du sol.
- Tu es en
retard, Amy, dit-elle d'une voix froide.
- Ce...ce ne
peut pas être vous, balbutia-je.
- Pourtant, je
suis là, répliqua la femme en tendant ses bras vers moi. Viens par ici, Amy...
Kaltoum
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