À ce moment-là, un bruit
assourdissant provenant de l'étage supérieur fit trembler le sol. Un cri
strident perça le lourd silence qui pesait sur la salle et je lus de la terreur
sur le visage de Johanna.
Johanna se leva précipitamment,
renversant au passage sa tasse de café sur sa robe et tendit ses deux mains en
avant, tout en murmurant des incantations étranges. Elle évita des obstacles
invisibles et s'effondra par terre. Au bout de quelques minutes, elle se
retourna vers moi, me glissa un médaillon en or dans la main et me souffla,
épuisée :
– Le
carnet. Dans un lieu sûr. Évite l'Ombre. Garde le médaillon. Ne le donne à
personne. Bonne chance.
Je n'avais pas vraiment compris le
sens de sa dernière phrase, mais j'avais retenu que je devais cacher le carnet
qui était sur ma table de chevet et que, pour rien au monde, je ne devais
donner le médaillon. Elle fut prise de spasmes violents, et horrifiée, je la
vis jeter son dernier soupir. Johanna était morte. Je n'avais rien fait pour la
sauver et je n'avais même compris ce qui avait provoqué sa mort. Sans savoir si
c'était à cause de la mort de Johanna ou bien parce que j'étais dorénavant
seule, je me mis à pleurer.
Une femme habillée en blanc entra
dans la pièce et regarda le corps inerte de Johanna, et plaqua sa main sur sa
bouche pour étouffer un cri. Elle sonna une petite clochette dissimulée dans sa
poche et un homme, ayant sûrement la trentaine, débarqua aussitôt par une porte
que je n'avais jusque là jamais remarquée. Sans même accorder un regard au
cadavre, il me saisit par le bras et m'emmena dans le couloir.
– Amy,
c'est ça ? me demanda-t-il.
– Oui.
– Je
m'appelle Steve. Je suis désolé pour ce qu'il vient de se passer. Tu dois être
traumatisée, maintenant.
– Oui.
Mais, comment Johanna est-elle morte et...pourquoi se battait-elle contre
quelque chose d'invisible ?
– Tu
n'étais pas concentrée sur l'ennemi alors tu ne l'a pas vu. Johanna n'est pas
folle pour se battre toute seule. Un espion de l'Ombre s'est infiltré ici et a
voulu te capturer pour te mettre au service de son supérieur.
– Vous
m'avez capturée, vous aussi, remarquai-je.
– On
l'a fait pour ton bien, assura Steve calmement.
– Pour
mon bien ? Parce que vous croyez que ça me fait vraiment du bien d'être
séparée de ma famille, de mes amis, de toutes les personnes que j'aime ? Vous
pensez que c'est bien de séparer des gens innocents de leurs proches en leur
envoyant des invitations à une soirée ? Eh bien figurez-vous que vous avez
tord.
– Tu
n'as strictement rien compris à ce que t'a dit Johanna, répliqua Steve en
fronçant les sourcils.
– Elle
ne m'a rien dit au sujet de ma capture. Je ne sais même pas où sont mes
parents. Ils doivent être morts d'inquiétude.
– Tes
parents sont morts, Amy. Je suis désolé.
– Mes
parents sont morts ? balbutiai-je, les larmes aux yeux.
– Oui.
Je suis désolé. Toutes mes condoléances.
– C'est
de votre faute, si tout ça est arrivé ! Vous avez tué ma famille !
– Non,
Amy. Allez, on doit y aller, conclut-il en m'empoignant par le bras.
Je suivis Steve docilement jusqu'à
ma chambre.
– Prend
ce que tu veux et dépêche-toi. Rendez-vous dans le hall d'ici quinze minutes.
La première chose que je pris fut le
carnet relié de cuir noir que Johanna m'avait demandée de garder. Je le glissai
dans un sac noir qui reposait dans mon armoire. J'ajoutai aussi quelques
vêtements au hasard, le médaillon de Johanna, une photo de ma famille prise à
l'anniversaire de mes neuf ans et les vêtements que je portais quand j'étais
venue ici. Après une rapide revue de mon sac, je sortis de la chambre et
dévalai les escaliers pour arriver dans le hall. Steve était assis sur un large
fauteuil, en pleine dégustation de petits biscuits.
– Steve ? appelai-je.
– Ah,
Amy, tu es prête. La voiture vient dans moins de cinq minutes. Tu veux un
biscuit ?
– Non
merci.
– Du
thé, alors ?
– Non
plus. C'est quoi, cette immense valise ? demandai-je en désignant une valise
noire pouvant contenir plus de vingt fois mon sac à dos.
– Bah,
mes affaires.
– Elles
prennent autant de place ?
– À
vrai dire, on est dans une superbe villa et comme on a le droit de prendre ce
qu'on veut, je ne me suis pas posé la question...Je vais tout ranger à sa
place, dit-il en jetant un coup d’œil à la fenêtre. Oh, zut ! La voiture
est déjà là. Allez, en route !
Décidément, Steve était un homme
étrange, pour s’emparer de tout ce qui lui passait sous la main et pour
m'annoncer froidement la mort de mes parents. Et puis, je n'en revenais
toujours pas. J'avais été kidnappée, j'avais vu une inconnue mourir, se battre
contre une force invisible et m'apprendre que mes parents étaient morts, un
autre inconnu m'avait demandé de faire mes affaires pour partir je ne sais où,
et moi, sans savoir pourquoi, j'obéissais à tous les ordres et je ne posais pas
de questions. Il fallait absolument éclaircir tout ça une fois à destination.
Peut-être même que j'arriverai à soutirer des informations à Steve pendant le
trajet.
– Bon
alors, tu montes ? me cria celui-ci à travers la portière.
– J'arrive,
marmonnai-je encore dans mes pensées.
La voiture qui allait nous conduire
je ne sais où, était absolument magnifique. Je me demandais bien pourquoi mes
ravisseurs mettaient tant de luxe pour leurs victimes. Deux banquettes en cuir
noir étaient disposées face à face autour d'une table basse proposant du thé,
du café, des biscuits secs et divers bonbons. En m'asseyant sur l'une des
banquettes, je remarquai qu'un tiroir était dissimulé sous la table. Curieuse,
je l'ouvris et en sortit un uniforme composé d'une jupe noire, d'une cravate
noire, d'une chemise blanche, d'un pull-over noir, d'une paire de chaussettes
qui devaient arriver aux genoux et d'une paire de ballerines noires vernies.
Qu'est-ce qu'un uniforme pouvait-il bien faire ici ? En fouillant encore
un peu, je découvris des fiches de renseignement me concernant. C'est à ce
moment que Steve apparut. Dans la précipitation, je cachai mes trouvailles
derrière moi. Peine perdue, Steve avait tout vu.
– Alors,
Amy ? Tu as fait de belles découvertes ?
– Je
vais tout vous expliquer.
– Non,
c'est plutôt l'inverse. C'est moi qui te doit des explications.
– Je
vous écoute.
Kaltoum